Une réforme qui bascule des vies entières

Séniors abandonnés

Quand la réforme des retraites plonge des milliers de Français dans la précarité

Une réforme qui bascule des vies entières

Depuis la réforme de 2023, l’âge légal de départ à la retraite a été repoussé à 64 ans. Sur le papier, le gouvernement justifie cette mesure par la nécessité de « travailler plus parce qu’on vit plus longtemps ». Mais dans la réalité, cette décision plonge de nombreux seniors dans une zone grise : trop jeunes pour percevoir leur pension, trop âgés pour être embauchés.

Résultat : une génération entière se retrouve piégée, sans emploi et sans ressources suffisantes pour vivre dignement.

Témoignages d’une génération sacrifiée

• Marie, 62 ans, ancienne secrétaire médicale : « J’ai travaillé 38 ans dans le même cabinet. À 60 ans, on m’a dit que mon poste allait être supprimé. Depuis, je postule partout, mais on me répond que je suis trop âgée ou pas assez à l’aise avec l’informatique. On m’oblige à attendre 64 ans pour la retraite, mais sans travail, je vis avec le RSA. Je me sens invisible. »

• Jean, 61 ans, ex-ouvrier du bâtiment : « Je ne peux plus porter des charges lourdes, mon médecin me l’a interdit. L’entreprise m’a licencié. J’ai encore trois ans à patienter avant la retraite. J’ai cotisé toute ma vie, et aujourd’hui je dois survivre avec quelques allocations. On nous traite comme des meubles usés qu’on met au rebut. »

• Nadia, 60 ans, employée à temps partiel : « Avec mes petits salaires, je n’aurai qu’une retraite réduite. Et maintenant, on nous demande de travailler deux ans de plus ! Mais dans mon supermarché, on préfère embaucher des jeunes. J’ai l’impression qu’on me considère comme une charge, pas comme une employée expérimentée. »

Ces histoires individuelles traduisent une réalité collective : pour beaucoup, l’allongement de la durée de cotisation ne se traduit pas par des années d’activité réelle, mais par une précarité forcée.

Les chiffres qui confirment la fracture

• Un sénior au chômage reste inscrit en moyenne 582 jours à France Travail, contre 311 jours pour les 25-49 ans.

• Seuls 35 % des 55-64 ans accèdent à une formation, contre 57 % des 35-44 ans.

• En France, seuls 56 % des 55-64 ans occupent un emploi, contre 73,6 % en Allemagne et 77 % en Suède.

• L’âge est désormais le premier motif de discrimination à l’embauche, devant le handicap.

• La retraite progressive, censée être une solution, ne concerne que 26 824 personnes en 2023, un chiffre dérisoire.

• Les femmes subissent une double peine : leurs pensions restent inférieures de 40 % à celles des hommes.

Ces données montrent que la France n’est pas armée pour maintenir les séniors dans l’emploi.

Le discours gouvernemental… et le décalage avec la réalité

La ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a lancé en 2025 une grande initiative baptisée « Emploi des 50+ », avec trois ambitions : changer les pratiques, changer la loi, changer les regards. Des campagnes de communication ont fleuri, avec des slogans comme « 50 ans et +, comptons sur l’expérience ».

Elle rappelait récemment :

« Il y a une place pour tous dans le monde du travail ; les plus de 50 ans sont avant tout des salariés expérimentés très fiables, dont la société et nos entreprises ont besoin. »

Mais derrière ces belles paroles, les mesures concrètes restent limitées :

• L’« index sénior » oblige les entreprises à publier leurs données, mais sans objectifs contraignants.

• Le « contrat de valorisation de l’expérience » est encore expérimental.

• La retraite progressive, présentée comme une solution, reste marginale et difficile d’accès.

Pour les séniors au chômage ou en précarité, ces dispositifs ressemblent davantage à des vitrines qu’à de véritables solutions.

Quelles alternatives pour éviter l’exclusion ?

De nombreuses pistes existent pour que les séniors ne soient plus les oubliés du système :

1. Un droit à la reconversion dès 50 ans pour anticiper les évolutions du marché du travail.

2. Reconnaître la pénibilité et permettre un départ anticipé pour ceux qui ont exercé des métiers usants.

3. Un revenu de transition sénior, garantissant un minimum digne entre la fin d’activité et l’âge légal de départ.

4. Des plans séniors obligatoires en entreprise avec adaptation des postes, tutorat intergénérationnel et incitations fiscales.

5. Une revalorisation des carrières des femmes , avec prise en compte du temps partiel et des interruptions liées à la maternité.

Conclusion

Les séniors d’aujourd’hui sont victimes d’un paradoxe cruel : on les oblige à travailler plus longtemps, mais le marché du travail les rejette. Le gouvernement proclame qu’il faut « changer les regards », mais ceux qui sont en première ligne n’ont plus le temps d’attendre que les mentalités évoluent.

La colère grandit chez ces femmes et ces hommes qui ont travaillé toute leur vie et qui refusent d’être considérés comme des « inutiles ». Ils réclament non pas des slogans, mais des solutions immédiates pour vivre dignement leur fin de carrière.

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